Matthieu Mégevand dans la Tribune de Genève

Matthieu Mégevand dans la Tribune de Genève

Matthieu Mégevand dans la Tribune de Genève

En texte :

Sacré Roman des Romands, «La bonne vie» a fasciné les écoliers

« La bonne vie » (Ed. Flammarion, 2018), du Genevois Matthieu Mégevand, a reçu en début de soirée à Neuchâtel le prix du Roman des Romands. Ce « Goncourt des lycéen s» suisse, qui a fêté ses 10 ans en 2019, a consacré cette année le premier volume d’un triptyque sur le thème « créer/détruire ».
L’auteur reçoit un prix de 15’000 francs, financé par la Fondation Minkoff.

Après «Petite brume» de Jean-Pierre Rochat l’an dernier, et «Permis C» de Joseph Incardona en 2018, les écoliers des classes participantes, âgés pour la plupart de 16 ou 17 ans, ont encore une fois distingué le récit d’une trajectoire.

Dandy solaire
Une « bonne vie » qui a filé à l’allure d’une comète. Une « bonne vie » racontée de manière romancée, centrée sur le feu qui a vivifié, puis consumé le poète oublié Roger Gilbert-Lecomte (1907-1943). Adolescent dans Reims bombardé durant la Première Guerre mondiale, il aspire avec ses « phrères » en poésie à devenir « voyant », tel Rimbaud. D’abord les amis inhalent des produits chimiques pour « voir derrière la réalité ». Plus tard à Paris, le poète cofondera la revue «Le Grand Jeu», métaphore de sa vie. Plus radical que les surréalistes, il dédaignera leur patronage, défiant André Breton.
Erudit, excellent orateur, ce dandy solaire qui a subjugué Antonin Artaud va vite décliner. Cette drogue qui était un moyen de « voir derrière » réclame bientôt son dû au corps. Matthieu Mégevand évoque cette « Bonne vie » dans une écriture à la fois concise et propre à éclairer, par la grâce d’une formulation ou d’une anecdote, une amitié, une pensée, une souffrance, et finalement un destin.

Forte impression sur les élèves
Si les cinq autres livres de cette édition ont trouvé leurs défenseurs, le roman du Genevois s’est démarqué parmi les 31 classes participantes (contre 22 l’an passé). « Ce texte sur cet artiste qui a très peu écrit et était dévoré par une aspiration radicale a profondément marqué les élèves. Beaucoup étaient confrontés pour la première fois à ce qu’est vraiment la création », remarque Fabienne Althaus Humerose, organisatrice du prix. « Les élèves ont aussi découvert comment le style peut être au service d’un récit. C’est une écriture classique et essoufflée à la fois, un rythme qui reprend l’aspect à bout du souffle du personnage. »

Toulouse-Lautrec au-delà des clichés
Avec « Lautrec », biographie romancée du peintre parue cet automne, Matthieu Mégevand poursuit son questionnement sur la création. Retenu avec ce livre pour le Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne, l’écrivain rencontrera le public samedi 15 février au Lausanne Palace. Comme Roger Gilbert-Lecomte, Toulouse-Lautrec meurt à 36 ans. Comme le poète, le peintre se découvre « voyant ». Comme lui, il a ses démons: les siens sont l’alcool et les femmes. Comme lui encore, il se bat avec une obsession créatrice que l’auteur a nommé le « serpent ». Derrière tout ce qui a été écrit à propos du petit homme au physique ingrat, derrière les clichés de la vie de bohème à Montmartre, l’écrivain cherche encore et toujours ce qui anime la fougue créatrice jusqu’à l’issue fatale. L’on se réjouit donc de découvrir son prochain récit, consacré cette fois à la musique et à une autre comète géniale: Mozart.