Daniel de Roulet
A 4 ans, il rêvait d’aller en vacances au bord de la mer, à 15 de vivre à Paris, à 20 ans il rêvait de révolutions, à 25 de terminer ses études d’architecte, à 30 de programmer d’énormes ordinateurs, à 35 d’aimer longtemps la même femme, à 50 de courir le marathon de New York.
Ayant réalisé ses rêves, il invente des personnages de roman qui rêvent à sa place.
livre(s) sélectionné(s)
Le démantèlement du cœur
paru aux éditions Buchet-Chastel, 208 pages, 2015
Ainsi s’achève la Simulation humaine ! Le démantèlement du cœur est le 10e et dernier opus, de cette épopée moderne commencée il y a 24 ans, de cette « gesta » de l’atome. Le cycle retrace la vie de deux familles, l’une japonaise, l’autre suisse, prises dans l’aventure du nucléaire, d’Hiroshima (6 août 1945) à Fukushima (11 mars 2011). Et qui mieux qu’un architecte et informaticien ayant travaillé dans une centrale pour en parler ?
Shizuko est née au Japon le jour où la bombe atomique a détruit sa ville. Désormais clouée dans un fauteuil roulant, elle supervise le démantèlement du cœur du surgénérateur de Malville. Max vom Pokk a rendez-vous avec elle. Depuis 40 ans, ils ne se sont plus revus. Mais ce jour-là, 11 mars 2011 à Fukushima, un tremblement de terre ravage la centrale dans laquelle leur fils Mirafiori travaille comme intérimaire sous le contrôle de la mafia. Cet « incident nucléaire » bouscule leurs retrouvailles amoureuses, leurs cœurs se démantèlent, Shizuko est rappelée d’urgence au Japon. Et pendant ce temps-là, leur fils, doué d’une solide naïveté de kamikaze, est envoyé en mission dans la salle de contrôle du réacteur pour éviter la fusion d’un autre cœur encore.
Depuis ce fatal mois de mars, on suit deux histoires en alternance : d’un côté, Max rejoint Shizuko à Malville, ils doivent souper ensemble et peut-être renouer ; de l’autre, Mirafiori Tsutsui et son collègue Amir, employés à la centrale nucléaire de Fukushima. Shizuko est rappelée d’urgence à Tokyo suite à la catastrophe ; Max se rend finalement à Londres pour empêcher la démolition de la tour Fusions ; mais son destin bascule. Enfin, en 2013, Shizuko retrouve son fils mourant.
Le démantèlement du cœur est le chant d’adieu, le « tombeau » cher aux baroques, de Max et Shizuko, les deux protagonistes-clé de cette aventure. Entre documentation et fiction, ce roman, remarquablement structuré — le double est partout, et d’abord dans cette longue période de Guerre froide entre les deux blocs — nous interroge sur les relations humaines et notre rapport à l’énergie.
Jacques Troyon
Fusions
paru aux éditions Buchet-Chastel, 384 pages, 2012
Fusions reprend en toile de fond le thème de l’atome et de l’énergie nucléaire. Or le titre recouvre plusieurs sens et le roman « se lit sur plusieurs portées ».
Fusions comme :
- celle de la bombe d’Hiroshima qui entraîne l’irradiation dont souffre Shizuko, l’une des héroïnes du roman
- celle des deux firmes spécialisées dans le traitement des déchets nucléaires
- celle du nom d’une tour élevée à Londres par l’un des protagonistes du roman, l’architecte Max vom Pokk
- celle du réacteur de Tchernobyl (1986) qui a sonné le glas de l’URSS (« La fusion du coeur de Tchernobyl a été la véritable raison de l’effondrement de l’Union soviétique. » Mikhaïl Gorbatchev)
- celle enfin des blocs de l’Est et de l’Ouest
Autant de fusions, autant de thèmes et de problèmes évoqués. Roman ingénieux et complexe qui aborde et résume l’histoire de la seconde moitié du XXe siècle, Fusions se lit comme un polar. Roman historique et politique aussi, il fourmille de renseignements précis ou inventés, de personnages fictifs ou historiques qui prêtent parfois à confusion. Mais au final, sa construction rigoureuse reflète bien la complexité du monde et les crises qui l’ont secoué.
Marianne Dyens
Le bonnet rouge
paru aux éd. Héros Limite
L’AVIS DU COMITE DE LECTURE
Pétri d'idéaux rousseauistes et rêvant d’un régime égalitaire, Samuel Bouchaye prend part à la révolution du 7 avril 1782, à Genève. Trois mois plus tard, une coalition de troupes étrangères tue dans l'œuf l'insurrection et sauve l'ordre patricien. Commence alors pour Samuel une longue fuite qui le conduit d'abord dans les bras d'une femme, Perchette. L'amourette est brève : une querelle avec un rival l'oblige à prendre la route précipitamment.
Le citoyen genevois réapparaît ensuite sous l'uniforme des Châteauvieux, un régiment d'infanterie suisse au service de la royauté française. Nouvelle révolte à laquelle il participe, nouvel échec pour Samuel alors envoyé au bagne à Brest quand tant d'autres de ses camarades sont exécutés au terme de terribles sévices.
Il faut attendre l'éclosion de la Révolution française pour que le personnage central soit sauvé des geôles de l'Ancien Régime. Le temps semble enfin venu pour l'exilé de rentrer à la maison pour y édifier ce régime égalitaire auquel il n'a cessé de croire. Mais rien ne se passe décidément comme prévu.
Roman à l'écriture ciselée, Le bonnet rouge offre, à qui sait en apprécier les multiples délices, une incarnation charnelle de la grande Histoire humaine.
William Irigoyen, avril 24
les inédits
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« Je ne voulais pas devenir un vieillard comme mes parents, ni prof de français dragueur. Je voulais la fureur de vivre, être James Dean, mort à 23 ans. »
Qui suis-je ?
Nos parents avaient décidé de recourir à la médecine de pointe / Produire un clone pour offrir des organes de remplacement / Quand l’original viendrait à lâcher / Il y a donc eu deux fois le même exemplaire
C’est une histoire que l’on peut raconter quand on a passé 80 ans
À vrai dire, je traînais du côté de Montmartre où j’avais décidé de me faire dépuceler par une prostituée. Mon éducation sexuelle était terminée du point de vue théorique. J’avais consulté la littérature érotique, j’avais embrassé ma bonne amie, mais je ne savais pas bien comment continuer.