Francine Wohnlich
Née en mars 1971, Francine Wohnlich est comédienne, dramaturge et auteure de théâtre. Après Larsen, son premier roman, elle a publié Baptiste et Angèle, Rwanda 2008 qu’elle a mis en scène avec une composition inédite de John Menoud. Récemment, elle a assisté Guillaume Béguin à la mise en scène de deux textes du photographe Édouard Levé au Théâtre du Grütli. Le recueil de nouvelles Absence prolongée est son troisième livre paru aux éditions des Sauvages.
Elle vit à Genève.
livre(s) sélectionné(s)
Absence prolongée
paru aux éditions des sauvages, 2015
Absence prolongée est composé de sept nouvelles dont chacun des titres mériterait qu’on s’y attarde. L’un d’entre eux, au centre du recueil, rayonne sur l’ensemble : « Décousue, unanime ». Ce texte met en scène une période charnière de la vie d’Amandine. Elle redonne vie aux objets abîmés, oubliés, en les intégrant à de nouvelles oeuvres. Tout comme cette artiste offre une deuxième chance à ces fragments a priori sans grand intérêt d’une existence passée, sera-t-elle capable de le faire pour elle-même, de réagir, de se donner une impulsion
tandis que sa vie ne lui convient plus, qu’elle est comme décousue ? Elle ne se sent pas entière, mais plutôt morcelée, à l’image de ses matériaux de travail. Sa vie avec son compagnon, Antoine, est un échec. Antoine, le lecteur le connaît déjà à ce stade de l’ouvrage, il l’a rencontré dans la première nouvelle. En effet, certains personnages sont récurrents, ils gravitent dans les mêmes sphères
relationnelles ou se retrouvent nez à nez au gré d’une rencontre de hasard. La reprise de personnages permet de dépasser le cadre de la nouvelle, laisse entendre qu’une harmonie règne dans le recueil, et ce malgré une chronologie bousculée. Certains textes se déroulent en effet simultanément, d’autres comme le deuxième et le troisième sont inversés : ce dernier est antérieur au précédent. « Décousue », la gestion de la temporalité ? Possible, mais le lecteur se rend rapidement compte que les personnages ont en commun le fait d’être à des carrefours de leur existence, qu’ils font l’expérience d’un repli intime ou plutôt d’une mise à distance, d’une absence à soi, à sa vie, le temps de prendre une décision, que ce soit celle d’un changement ou le choix de continuer à vivre de la même manière qu’auparavant.
Les situations sont banales, les sentiments décortiqués sans complaisance. Une certaine froideur se dégage, due peut-être à la posture des personnages, ou encore au style de Francine Wohnlich, qui sait mettre en avant les petites cruautés et les grandes lâchetés des humains dans leur vie quotidienne – notamment en famille ou en amour –, avec une finesse et une férocité non dénuées d’humour. Finalement, dans une démarche similaire à celle d’Amandine, le lecteur est invité à réfléchir, à créer des liens, à combler les blancs, d’autant que l’auteure exploite avec efficacité l’art de l’ellipse.
Ludivine Jaquiéry
les inédits
Et moi ?
« Dès mon arrivée en Espagne, je reprends un à un les vingt kilos que j’ai perdus l’année précédente. Ça se fait très simplement, sans effort : mon corps disparaît. »