Thomas Flahaut

Thomas Flahaut est né en 1991 à Montbéliard (Doubs). Après avoir étudié le théâtre à Strasbourg, il s’installe en Suisse pour suivre un cursus en écriture littéraire à la Haute école des arts de Berne. Aujourd’hui diplômé, il vit, étudie et travaille à Lausanne, où il a cofondé le collectif littéraire franco-suisse Hétérotrophes. Ostwald est son premier roman.

livre(s) sélectionné(s)

édition 2021-2022

Les nuits d'été

paru aux Éditions de l’Olivier, 2020

Les nuits d’été, un titre qui fait appel au romantisme pour un récit plutôt.. réaliste. L’action se déroule dans un quartier de Montbéliard, en France voisine, là où vivent nos personnages âgés de 25 ans. Leurs parents, travailleurs frontaliers en Suisse, rêvaient pour eux d’une autre vie ; mais si Louise fait une thèse en sociologie sur les ouvriers frontaliers, Thomas son frère et Mehdi son ami, eux, se retrouvent presque inéluctablement contraints de rejoindre l’enfer bruyant et dénué de sens du travail de nuit à l’usine ; la précarité ne se laisse pas ainsi distancer. Thomas Flahaut utilise sa propre connaissance du milieu ouvrier pour nous entraîner dans ces nuits glauques, et sans aucun misérabilisme détaille pour nous les ravages du néo libéralisme avec la fermeture soudaine de l’usine, mais aussi la quête d’identité de ces jeunes pris entre les désirs de revanche des parents, et leur propre liberté de vivre et d’aimer. Un roman qui ne nous épargne rien mais empreint d’empathie et émaillé d’une grande douceur.

Dominique Bressoud

édition 2018-2019

Ostwald

paru aux Éditions de l’Olivier, 176 pages

Curieux objet littéraire que ce premier roman de Thomas Flahaut ! Une usine ferme, privant la plupart des habitants de Belfort de leur emploi. C’est le cas des parents de Noël et Félix qui divorcent conséquemment à cela. La mère reste à Belfort tandis que le père s’installe à Ostwald, en périphérie de Strasbourg. Ce souvenir mis en exergue dans les pages initiales annonce déjà implicitement la difficulté des deux enfants à trouver leur place.
Dans la première partie d’Ostwald, Noël et Félix sont de jeunes adultes qui convoitent la même jeune femme, Marie. Noël poursuit ses études universitaires et habite à Strasbourg, Félix a terminé les siennes et revient vivre à Belfort, chez sa mère, dans l’espoir de trouver un emploi. Les deux jeunes gens appartiennent à une génération un peu perdue qui peine à trouver ses marques, à se projeter.
Le texte se mue ensuite en roman apocalyptique : un séisme ; une explosion à la centrale nucléaire de Fessenheim ; des décisions à prendre quant aux zones à évacuer. Tandis que la mère des deux garçons, en déplacement professionnel à Marseille, tente en vain de les faire venir à elle, le père reste absent. Noël, Félix et les autres résidents de Belfort sont conduits sous escorte militaire dans un camp de fortune au cœur de la forêt. Là, les réfugiés font l’expérience d’une attente absurde. Jusqu’à quand seront-ils contraints de rester ? Vers quoi iront-ils une fois autorisés à retourner à leur vie ? Que sera désormais leur existence ?
À la suite d’un drame, les deux frères s’enfuient. Commence alors une traversée d’une partie de l’Alsace abandonnée. La nature reprend déjà ses droits. Les deux garçons cherchent à rejoindre leur père à Ostwald. Aucune trace de lui. Ils poussent jusqu’à Strasbourg où ils retrouvent Marie. Celle-ci s’enfuit avec Félix tandis que Noël retourne chez son père et se demande si l’accident nucléaire ne serait pas un prétexte facile pour ce dernier de disparaître de sa vie.
Les différents aspects du roman partagent un même enjeu, l’errance : celle des héros qui ignorent ce que la vie leur réserve et qui, en plus, doivent désormais compter avec un monde étrange devenu hostile. Attente et quête de soi composent la partition de ce roman aux lignes rythmiques enchevêtrées, comme dans le passage – qu’il faudrait lire à voix haute ¬– où Noël découvre à la télévision les nouvelles en rapport avec la catastrophe tout en regardant des photos de ses parents.
Thomas Flahaut a l’art de croquer des personnages qui marquent, tel la Gargouille, ce clochard ayant élu domicile dans une niche de la cathédrale, à la fois trace d’un passé révolu et mémoire vivante de Belfort. Il mêle dans ses décors le patrimoine alsacien et des espaces fantomatiques, mettant en scène des images de la vie quotidienne mâtinées de tragique. Dans cet esprit de fin du monde qui culmine avec une célébration de l’absurde au Parlement européen – fête et cocktails iodés –, plus que jamais, ceux qui errent sont perdus.

Ludivine Jaquiéry

les inédits

édition 2018-2019

Le Balcon

« Mehdi me passe le joint et je lui passe ma cigarette. Je tire sur le joint. Je plonge mes yeux dans le trou. »

Quand j'avais 17 ans