Bruno Pellegrino

Né le 19 août 1988 à Morges, Bruno Pellegrino est élève du Gymnase du Bugnon, passionné de littérature lorsqu’il remporte le Prix Latourette, qui récompense depuis 1958 la meilleure dissertation du canton. Étudiant en Lettres et en sciences politiques à Lausanne, Bruno Pellegrino, écrit des critiques littéraires pour la revue littéraire romande Le Passe-Muraille.
En 2011, il reçoit le Prix du jeune écrivain 2011 remis par un jury tournant où voisinent Stéphane Audéguy, Vincent Delecroix, Nancy Huston, Emmanuel Carrère ou Tahar Ben Jelloun. Son recueil de nouvelles L’idiot du village et autres nouvelles est publié par les Éditions Buchet Chastel. Auteur d’un mémoire sur Bertil Galland , il publie Atlas nègre, son premier roman en automne 2015 aux Editions Tind.
Bruno Pellegrino vit à Poliez-Pittet.
(Source, BCU Lausanne)

livre(s) sélectionné(s)

édition 2019 – 2020

Là-bas, août est un mois d'automne

paru aux Éditions Zoé, 224 pages, 2018

Madeleine et Gustave sont frère et sœur. Ils ont vieilli ensemble dans la maison familiale de Carrouge, dans la campagne vaudoise, tous deux demeurant célibataires. La première, de quatre ans l'ainée, pâtissière hors pair, perpétue les gestes hérités des générations précédentes, tout en se passionnant pour les progrès de la conquête spatiale ; le second, poète, fasciné par les corps musclés des travailleurs agricoles qu'il rencontre au cours de ses longues promenades et préoccupé par les fleurs de son jardin que, comme le reste, il prend soin d'inventorier, tâche de conserver une trace d'un monde qui disparaît. Couvrant une décennie, de 1962 à 1972, ce sont les dernières années de ces deux vies, inspirées de celles de Madeleine et Gustave Roud, que le roman de Bruno Pellegrino raconte avec tendresse et une pointe de malice.
La tâche ne va pourtant pas de soi. Le narrateur (je), contemporain du moment d'écriture, est conscient qu'une distance, semble-t-il irréductible, le sépare des personnages. Le vécu de Madeleine et Gustave est désormais sans équivalent (« Il faut revenir brièvement à ce que plus personne aujourd'hui n'a connu », p. 32) ; et même la technologie paraît impuissante à nous rapprocher d'eux (« Ici, qu'il doit être [Gustave, sur l'image d'un film] : debout, de dos, face à la fenêtre blanche – et j'ai beau me pencher ou régler la luminosité de l'écran de mon ordinateur, je ne vois pas au travers, je ne vois pas ce qu'il voit », p. 121), au plus s'avère-t-elle une béquille inapte à nous faire éprouver une expérience du monde évanouie (« J'écris sur des gens qui étaient capables de nommer les choses, les fleurs et les bêtes, alors que j'ai besoin d'une application sur mon téléphone qui identifie les oiseaux par leur chant, les plantes par la forme de leurs feuilles, et je dois vérifier sur des sites de jardinage la période de semaison du blé ou de floraison des cyclamens. C'est peut-être ce qui me fascine, chez ces deux-là, leur manière lente et savante d'éprouver l'épaisseur des jours », p. 172).
Alors, comment et pourquoi écrire quand les mots manquent et qu'une faille nous coupe l'accès direct au ressenti des figures qui nous « fascinent » ? Tout d'abord justement pour donner à sentir cette faille ; mais aussi pour créer des ponts avec le passé au moyen d'une écriture perméable à sa matière dans la mesure où elle fait vivre au lecteur l'expérience d'un temps ralenti, gagnant en « épaisseur » (temps et espace s'intriquant, comme le révèle le titre du roman), elle qui, à l'instar de celle de Gustave, inventorie, cherche à garder une trace de ce que l’oubli menace. Comme le note le narrateur à propos du savoir-faire culinaire de Madeleine, mais la remarque peut aisément être élargie, le risque est que « de cette suite de gestes minutieux et rodés, perfectionnés au fil d'années de répétition, il ne restera, si personne ne s'y met, qu'une courte phrase en post-scriptum d'une lettre qu'un visiteur aura pris la peine d'écrire à Gustave » (p. 42). Bruno Pellegrino s'y est mis, lui, et nous livre un roman pétri de saveurs dans la ligne de ceux d'écrivains reconnus et passés maîtres dans le genre du roman biographique, comme Jean Echenoz ou Patrick Deville.

Jean Cornu

édition 2016-2017

Atlas Nègre

paru aux éditions Tind !, 2015

De Madagascar à Tokyo; une apostrophe sur la carte du monde.
Du Sud à l’Est, le héros nous guide surtout au gré de ses caprices, de ses tentations, et de ses contradictions. Le désenchantement du voyage humanitaire fait place aux rencontres, à la route et à la vie. Ensuite, la succession des panoramas sibériens puis des lassitudes pékinoises sont autant d’abîmes qui sépareront fatalement l’union enfin (déjà?) retrouvée.
Le texte est parsemé de croquis au fusain qui semblent avoir été griffonnés à la va-vite, sur ses genoux en attendant le bus pour “Tana” ou le train pour Krasnoïarsk.
C’est récit de voyage d’une nouvelle génération d’aventuriers qui, s’ils ont toujours leur écran pour leur rappeler ce qu’ils laissent ou ce qu’ils cherchent, n’en ressentent pas moins le vide du superficiel pixellisé, par opposition à la chaleur grouillante et multicolore des rues d’Antananarivo. Et puis quand l’image (re)devient enfin matière, c’est trop souvent une désillusion.

Noé Allegrezza

les inédits

édition 2016-2017

La forme d'une ville

« L’année de mes dix-sept ans, j’ai tenu une sorte de journal, un cahier Clairefontaine bleu, papier velouté 90g/m2, acheté pour l’occasion. J’y ai collé mon premier billet de tram et une photo-passeport. »

Quand j'avais 17 ans