Dunia Miralles
Cumulatrice de paradoxes, Dunia Miralles est née à Neuchâtel et vit à La Chaux-de-Fonds en Suisse. Le jour elle écrit, marche dans les forêts et pâturages jurassiens, parle aux animaux des fermes qu’elle croise. La nuit, elle étudie les faces cachées de l’être humain, gratte jusqu’à l’os où ça fait mal.
La formation de comédienne et de metteur en scène acquise au Cours Florent à Paris, Dunia Miralles s’en sert pour écrire ses textes selon la méthode théâtrale de l’Actors Studio. Les situations qu’elle analyse sont vécues dans sa chair afin d’en éprouver l’intensité, ce pourquoi son écriture est à l’opposé d’un style distancé. Il arrive qu’elle plonge dans des abysses où nulle lumière n’arrive. Avant sa dissolution dans la fange des grands fonds, des courants variés la poussent à se reconstituer à l’air libre. L’oxygène lui permet de s’envoler en s’approchant si près du soleil, qu’elle retombe en cendres sur de nouveaux océans. Dunia Miralles est l’auteure du livre culte Swiss trash, de Fille facile et d’Inertie.
livre(s) sélectionné(s)
Inertie
paru aux éditions L’Age d’Homme, 2015
Au gré de la survie précaire que lui assure l’assistance sociale, Béa mène une existence réduite à l’inertie. Du HLM où elle parachève sa marginalisation à coup de ressassement obsessionnel, elle perçoit de loin en loin les drames qui l’environnent : Chloé, la jeune mère toxicomane, Skate et Ninja, le couple de punks propriétaires de chiens qu’ils maltraitent, la famille Djemba aux prises avec les discriminations culturelles et raciales...
Le rempart d’insensibilité que s’est construit la jeune femme, à la suite d’une rupture majeure dans l’ordre des choses, s’effrite toutefois au contact de Prune, la fillette mutique à laquelle Béa tente d’offrir l’affection vitale dont elle est privée. Dans ce fragile élan, la relation amoureuse naissante avec Fulvio, l’ouvrier séparé, semble créer le cadre d’une résilience. La réalité pourtant reprend ses droits, brisant les espoirs sans parvenir cependant à établir leur vanité.
La force de Dunia Miralles réside dans une langue d’une neutralité fascinante qui écarte misérabilisme et jugement pour traduire les destins inaudibles. Le ton exprime l’implacable loi qui maintient les êtres écorchés à terre, victimes de leur passé et de leur présent, sans prise sur leur avenir, tout en suggérant puissamment leur aptitude à la vie. Trash, cash : les adjectifs qui qualifient la langue de l’auteure sont à puiser dans les milieux qu’elle décrit avec l’empathie noire et lumineuse des rescapés.
Aurélia Despont Maillard
les inédits
Jeux de proie
« J’aurais voulu entrer à la faculté des lettres ou, à défaut, devenir libraire. Ma plantée scolaire ne me permettait qu’un apprentissage de vendeuse. »