Madeleine Knecht Zimmermann
Madeleine Knecht-Zimmermann est née à Bâle, mais à grandi à Agen, dans le Sud-Ouest de la France, où elle a obtenu ses deux baccalauréats en 1961. Elle a fait des études de Lettres à Lausanne. Mariée, mère de famille, elle a enseigné le français au Collège du Bélvédère, puis au Gymnase de Chamblandes. Elle a publié plusieurs livres aux Editions de l’Aire et obtenu le prix Jean Thorens pour l’ensemble de son œuvre en 2015.
(d’après le site de l’Association Vaudoise des Écrivains)
livre(s) sélectionné(s)
Des rues et des chansons
paru aux éd. de l’Aire, 2020
Roman social et roman de la mémoire, Des rues et des chansons raconte l’histoire de Marie, qui a grandi dans le Sud-Ouest France et arrive à Lausanne en 1961 pour y étudier les Lettres à l’université. De son déracinement à son ré-enracinement dans la capitale vaudoise, le livre décrit l’itinéraire d’une jeune femme aux prises avec un nouvel environnement urbain et culturel qui la dépayse et la rend quelque peu étrangère aux autres. Nous la suivons pendant plusieurs années, jusqu’aux lendemains de Mai 68.
La force du livre réside notamment dans l’inscription de la vie de Marie dans un paysage urbain. C’est dans les rues d’une Lausanne finement décrite et vivante que ce personnage erre, habité par une sensation d’étrangeté et un ennui habilement rendus. L’écriture est attentive aux détails, soucieuse de rendre compte des émotions intérieures de Marie aussi bien que du quotidien d’une ville dont les trottoirs deviennent le théâtre d’histoires minuscules. Le texte contient de belles évocations du marché à la rue de l’Ale, où l’héroïne se lie d’amitié avec le petit Marco, du passage des saisons, des bavardages de café. En contrepoint à sa situation d’ « immigrée » à Lausanne cristallisent les souvenirs radieux de son passé. Il y a quelque chose de doux, de ténu et pénétrant à la fois dans la façon dont Madeleine Knecht-Zimmermann fait remonter les images de l’enfance, de ce père attendri, et qui contrastent avec la froideur du décor lausannois où Marie se sent seule.
Comme chez Annie Ernaux (Mémoire d’une fille, La Place), l’enjeu lié à la mémoire est à la fois intime et social. C’est là un autre point d’accroche pour étudier ce livre : l’auteure y brosse aussi le portrait d’une époque, avec son plein emploi, ses nouveaux moyens de contraception, ses objets emblématiques (transistor, Tampax, verres de contacts), sa bande-son musicale (Edith Piaf, Johny Halliday, Barbare, Richard Antony), ses slogans. La Suisse est devenue un pays riche, les normes y restent pesantes et les représentations changent sous la poussée de Mai 68. La jeunesse aspire à davantage de liberté. Le rôle de la femme n’est plus cantonné au foyer, à l’image de notre protagoniste qui deviendra enseignante au Collège Belvédère. Là aussi, les us et coutumes pédagogiques se transforment sous la poussée d’un « air du temps » que l’auteure réussit à saisir de fort belle manière, même si l’onde de choc lausannoise est sans commune mesure avec les mouvements étudiants et ouvriers qui secouent Paris à la même époque.
Ecrit majoritairement à la troisième personne, le livre passe au « je » à plusieurs reprises dans la deuxième partie du roman. D’autres indices incitent aussi à une lecture autobiographique, comme le nom de famille en Z. de la protagoniste ou ce père pasteur émigré dans les Sud-Ouest. Comme chez Annie Arnaux, Madeleine Knecht-Zimmermann maintient cependant une distance avec son personnage, car son projet est aussi documentaire (voire sociologique), tourné vers le dehors, vers la ville, vers les autres filles, comme Claudine, personnage loquace, téméraire, moderne (en opposition avec la timidité de Marie) qui disparaîtra soudainement suite à une grossesse précoce.
Quant à l’écriture, elle est sobre, ténue, précise, descriptive, tout sauf spectaculaire. Parfois, elle joue sur la répétition et la réitération de motifs (comme les chansons ou certains aspects du décor urbain), ce qui a par exemple pour effet de renforcer la sensation d’ennui éprouvée par Marie.
Maxime Maillard
les inédits
Attends-moi donc !
À dix-sept ans, j’étais élève du Lycée de Jeunes filles d’Agen, chef lieu du Lot-et-Garonne, dans le Sud-Ouest de la France.