Marie Houriet
Marie Houriet est née en 1966. Elle a fait sa scolarité à Fribourg et des études de psychologie et relations sociales à Genève, suivies d’un master sur les pays en développement à Zurich et un séjour de quelques mois en Amérique centrale.
En 2001, elle a été lauréate d’une bourse de l’État de Genève pour l’écriture d’une pièce de théâtre (De Gris et de violet). Marie Houriet vit dans le Jura.
(source Viceversa Littérature)
livre(s) sélectionné(s)
Des Jours meilleurs
paru aux Éditions de l’Aire,258 pages, 2018
Les révolutions aboient, le temps passe. Et de nos pères nous recevons ces luttes héréditaires, refroidies comme un brasier que Marie Houriet attise jusqu’à l’incendie dans Des Jours meilleurs.
Ne pas se fier aux apparences, car entre la criarde tapisserie vintage de la couverture et la platitude peu engageante du quatrième, on découvre une ode vibrante aux rêveurs désabusés, batteurs de pavé sortis réinventer le monde ou revendiquer des lendemains qui ne déchanteraient pas trop.
En moteur de ce roman, une focale narrative qui alterne entre deux personnages. Jean-Louis est un soixante-huitard fort en gueule, militant tenté par la résignation. Sa fille Raphaëlle semble avoir épousé la détestation de ce père en s’acoquinant à un type qui « avait viré salopard » – traduire banquier genevois vendant des subprimes à tour de bras. Tendue par ces extrêmes, la relation filiale évolue de la connivence au rejet.
Au cœur de l’ouvrage, le vibrant récit que fait Raphaëlle de son enfance genevoise à la Jonction, terrain post-industriel laissé à l’abandon avant d’être investi par quelques idéalistes. C’est une joyeuse utopie urbaine qui s’enracine entre les rames de trams abandonnés, où la communauté s’organise pour survivre puis croître en marge de la société. Jusqu’à la faute qui consumera définitivement ce paradis perdu.
Son souvenir ne survit plus que derrière le mur des culpabilités, des reproches tus. Alors quand la finance s’enflamme à son tour, il faut abattre les cloisons, rapiécer les idéaux, étouffer « la peur de n’avoir rien fait » et celle d’avoir mené tant de combats en vain. Après une grandiose scène d’exutoire disjoncté, il s’agira d’éclabousser les fauteurs en costard d’un geste radical et grotesque.
Evidemment, ce roman se nourrit des antagonismes faciles entre gauchistes auto-gérés et financiers véreux. Mais s’il séduit autant, c’est par son grand sens de l’observation, par la délicate nuance psychologique qui caractérise ses personnages, portée par un style tout en ellipses suggestives. Surtout, il parvient à placer Genève au cœur battant des luttes historiques dans une géographie romanesque où les rivages urbains font écho aux clivages sociaux. La ville est un terreau fertile. Enterrez-y des rêves, ils écloront au prochain incendie.
Thierry Raboud
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