
Lorrain Voisard
Né à Saint-Imier en 1987, Lorrain Voisard a grandi entre les campagnes et les villes. Il vit en Suisse et en Catalogne, travaille dans les jardins et dans les livres.
livre(s) sélectionné(s)
Au coeur de la bête
paru aux éd. d’en bas
Arthur Jolissaint nous livre son expérience professionnelle et humaine de six mois dans un abattoir, où lui et ses collègues – Hamza, Sylvain, Dylan, Charles et Françoise – abattent chaque semaine des centaines de porcs, moutons, veaux, etc. Journées de travail commencées avant la levée du jour, travaux parfois dangereux – car ici, à la différence des usines à viande, les méthodes restent encore assez « artisanales » : cris et odeurs qui poursuivent le narrateur, promiscuité tant avec les bêtes qu’avec les hommes. Le tableau brossé par ce récit, au style direct et cru, pose une question qui sous-tend tout le livre : ce que cela fait à un homme d’avoir pour profession de tuer de animaux.
Mais contrairement à ce que cet environnement laisserait supposer, ce livre n’est ni noir ni macabre, mais imprégné d’humanisme. Il décline tous les sentiments et tons, y compris l’ironie et même l’humour. Si les lunettes de l’analyse sociale ou sociologique sont bien présentes, le regard posé sur certaines contradictions de notre société n’est pas moralisateur : écueil évité entre autres grâce à l’accueil d’une panoplie de citations plus ou moins explicites – Céline, Lucrèce, London, Hugo, Brassens, Kristof, Ernaux, pour ne citer qu’eux (la littérature s’y mêle d’ailleurs allégrement aux essais sur les abattoirs) – qui entrent dans un dialogue aussi riche que passionnant avec le récit d’Arthur, et également grâce aux petits morceaux narratifs enchâssés, qui ouvrent judicieusement la réflexion. Sur le plan thématique et narratif, cette plurivocité a l’effet d’une une vague d’oxygène qui déferle sur l’ouvrage et le rend si vivant.
Au cœur de la bête, donc, est un récit palpitant, qui nous fait visiter de l’intérieur un lieu que tout le monde préfère ignorer, par désintérêt, par ignorance, ou pour ne pas « voir » une réalité inhérente à une société consommatrice de produits carnés. Très documenté, il n’est pas d’autre ouvrage pour mieux nous rappeler une chose banale mais ô combien fondamentale, à savoir que la vie est intimement liée à la mort, avec tout ce que cela implique.
Renato Weber
les inédits
Hello World
Quand j’avais dix-sept ans, les États-Unis envahissaient de nouveau l’Irak. 50 Cent chantait Get Rich or Die Trying et les White Stripes « Seven Nations Army ». Sur un mensonge, George Bush Junior et Colin Powell embarquaient des dizaines d’États dans leur croisade. Hollywood produisait Saw.